Les coeurs de Parcs, territoires protégés grâce à un accès réglementé sont des espaces naturels d’exception, des "ilôts de naturalité", préservés au bénéfice des générations présentes et à venir.
La notion d’îlot, si elle s’entend en terme d’interprétation photographique, si elle incite au cadrage soigné, est à aborder avec précaution quand il s’agit du vivant. En effet ces isolats, souvent admirables de singularité, représentent les fragilités remarquables du vivant. La biodiversité est surtout affaire de flux, d’inter-relations, de déplacements et de liaisons entre espèces de différentes entités naturelles, de corridors et de trames écologiques.
L'exposition, des photographies majoritairement réalisées par les agents de terrain des dix parcs nationaux de France accompagnées de textes qui rappellent des élements de contexte, des éléments de contexte, témoignent du travail quotidien de suivi des milieux naturels et leurs évolutions et du vécu des gardes moniteurs et monitrices. Leur travail photographique de grande qualité offre en partage des instants rares et précieux de ces précieux ilôts de naturalité qui s’affirment comme les continents du futur dans l’instant photographique autant que dans les enjeux de la conservation.
L'exposition a été présentée pour la première fois au festival international de l'image de Montier en Der en 2012.
Depuis l'île principale de la Guadeloupe, quarante-cinq minutes de mer suffisent à rejoindre les îlets inhabités de Petite Terre. Cette réserve naturelle est un lieu à part dans l'archipel guadeloupéen. On se sent ailleurs et totalement dépaysé sur ces terres basses écrasées de soleil, refuge de l'endémique Iguane des petites Antilles Iguana delicatissima qui est ici chez lui.
Plusieurs milliers d'individus y sont dénombrés chaque année. La faune marine n'est pas en reste non plus. Tortues, dauphins, raies se plaisent dans ces eaux chaudes et en début d'année, plusieurs espèces de cétacés croisent au large. Alors que j'étais rentré dans l'eau pour prendre en photo ce paysage de littoral, de jeunes requins-citron insouciants et totalement inoffensifs me passèrent à quelques centimètres des jambes.
Mer belle, calme à peu agitée, camaïeu de bleu turquoise ou vert émeraude, côte rocheuse, lissée, caressée, façonnée, jour après jour par le lent flux et reflux de la mer. L'algue brune, la cystoseire, espèce protégée, profite du ressac, elle est nettoyée, lavée, hydratée, l'écume est son amie... Mer agitée, vents forts, couleur bleu marine, voire noire, côte rocheuse, malmenée, maltraitée, balayée, secouée par une mer déchainée. La cystoseire, s'accroche, s'agrippe, et ne laisse rien paraître. Tu ne m'auras pas, dit-elle au ressac qui inlassablement vient la chercher. La méditerranée offre une multitude de facettes, elle est si calme et tout à coup si violente. Le vent s'est levé et elle devient furie. Ses vagues foncent sur vous tel un cheval au galop. Regardez, observez, sentez, rien n'est jamais tout à fait pareil.
À la faveur des premiers rayons de soleil, le coeur cristallin du Mercantour apparaît dans toute la générosité de ses formes bousculées : le sommet du Mont Clapier (3045m), à droite, le Mont Gélas (3143m), point culminant du Mercantour, à gauche et entre les deux, la cime de la Malédie (3059m). Derrière ces crêtes, le Parco naturale delle Alpi Marittime, voisin et jumeau du Parc national du Mercantour. Outre le fait qu'ils partagent un passé, une histoire, un territoire et une biodiversité très riches, leur avenir aussi les relie : outre le classement du territoire transfrontalier au Patrimoine mondial de l'Unesco, leur collaboration devrait se traduire par la création d'un structure juridique commune préfigurant le premier parc naturel européen...
Une fin d'après-midi d'hiver sombre, par temps orageux, je me balade sur les corniches du Méjean. Le vent et l'atmosphère inquiétante découragent les randonneurs et les font rebrousser chemin sur le sentier du Pradal. Je frissonne. Soudain, un halo de lumière illumine le mont Lozère, face à moi, de l'autre côté de la vallée de Florac. Je saisis l'instant où un rayon de soleil transperce les nuages au-dessus de la Brousse et de ses environs.
Au loin, le Mont Bégo se cache dans les vapeurs sulfureuses de son aura mystique. Longtemps assimilé à une divinité, le sommet (2872m) domine la Vallée des Merveilles. À ses pieds, une impressionnante succession de roches plates, appelées ciappes, abrite plus de 40000 gravures rupestres de l'âge du bronze. Situé en plein coeur du Parc national et classé Monument Historique en 1989, le site témoigne de la présence de l'homme dans ces vallées en des temps très reculés ainsi que d'un rapport à la nature et à la montagne très complexe. La richesse de la biodiversité présente sur le site, est le produit de sa localisation si particulière, dans une vallée qui passe en quelques kilomètres du niveau de la Méditerranée au coeur du monde alpin.
Les inselbergs sont des îlots rocheux émergeant de la forêt et caractéristiques des paysages du sud guyanais où certains culminent à plus de 800 m d’altitude. Disséminés sur tout le territoire, il n’y a guère que la voie aérienne qui permette d’en prendre la pleine mesure, tant l’impénétrable forêt les préserve des regards. Les inselbergs constituent des écosystèmes particuliers, qui tranchent avec ceux de la forêt tropicale humide. Avec des températures au sol flirtant avec les 70°C, ils abritent des communautés d’espèces reliques des anciennes périodes sèches et présentent un fort taux d’endémisme.
Ce petit inselberg photographié à l’entrée du Parc amazonien de Guyane dans la commune de Camopi, se situe à seulement quelques centaines de mètres des berges de l’Oyapock, fleuve formant une frontière naturelle avec le Brésil.
Un petit matin de juillet... la neige a saupoudré les cimes dans le vallon de Courrouit, situé sur la commune de Larche. Les pelouses alpines sont nombreuses dans le Mercantour mais parfois ténues et rases, comme ici tout en haut de la vallée de l'Ubaye.
L'altitude conjuguée à des influences climatiques très variées et une très forte richesse géologique des sous-sols donnent au Parc national du Mercantour un caractère incomparable. D'une vallée à l'autre, les paysages varient si fortement ! Ici, le petit épisode de neige estivale aide à mettre en lumière les roches, la pelouse, les gravières et une saignée originale de terres rouges qui rappellent les pélites ocres des gorges du Daluis et du Cians.
Le héron garde-boeufs est une des espèces d'oiseaux les plus communes en Guadeloupe. En dehors des zones d'altitude, on le rencontre partout, aussi bien sur les plages que dans les prairies, en zone humide ou sèche, dans des sites isolés ou en milieu urbain.
Cette colonie se regroupe chaque soir sur les hauteurs de la commune de Saint-Claude avec en prime des numéros de voltige étonnants précédant leur atterrissage (on devrait dire “arbrissage”). L'ambiance lumineuse était ici très particulière : alors que le jour commençait à poindre, la plus grande partie céleste conservait ses étoiles et les oiseaux étaient encore éclairés par les lampadaires de la rue toute proche...
Baigné par les derniers rayons du soleil, le rocher du Rascas semble dormir, il se repose après une dure journée de guet, tel le poisson homonyme, hérissé de piquants, immobile, camouflé dans la roche, prêt à fondre sur une proie imprudente qui passerait à portée. Il surveille les navigateurs qui s'aventurent bien trop près de la côte, il leur indique qu'il est temps de couper les moteurs et de profiter, avec palmes, masques et tubas, de la beauté du site. Il surveille les baigneurs qui pourraient s'aventurer trop loin du rivage, il est là, seul, le dernier rempart avant la mer, le dernier endroit pour se reposer. Il délimite le sentier sous-marin.
Stop, n'allez pas plus loin. Après c'est l'inconnu. Il a bien travaillé, toute la journée, alors il a le droit, ce rocher, de profiter des derniers rayons du soleil.
Dans le massif des Écrins, la vallée de la Durance est par excellence la vallée de l’ouverture.
Depuis le plateau de Puy Sagnières, le spectacle est permanent. Brouillards et nuages s’appliquent à donner à la vallée une réalité nouvelle. La chaîne du Pouzenc en contient les passées et le regard s’agrippe aux silhouettes d’arbres au premier plan, derniers ancrages du réel avec la montagne au fond. Tout le reste est mouvance et bataillons de brumes.
Le Morne de Fourche (3019 m), qui sépare les cirques de Mafate et Salazie, accroche presque quotidiennement les nuages venant de l'est. À son sommet, plusieurs “pitons” très rapprochés et des crêtes délimitent des vallées intérieures très enclavées où l'humidité est permanente. Une flore d'altitude originale (forêts de Mapous, fourrés à Fleurs jaunes et Branle vert) a pu évoluer dans ces conditions de forte hygrométrie. Les “remparts” qui la protègent en ont fait un îlot de nature encore bien préservé des impacts humains. Cette “forteresse verte”, quasiment inaccessible, est une véritable “île dans l'île”, les fanjans (fougères arborescentes) leurs sentinelles avancées.
Tout est calme à Champagnyle- haut ce matin là. Les adeptes du domaine nordique ont délaissé le site depuis quelques semaines déjà. Les nombreux randonneurs estivants seront bientôt là pour découvrir cette vallée préservée du Parc national de la Vanoise. En 1992, le vallon et ses hameaux ont été classés. Un patrimoine architectural et paysager remarquable peut ainsi perdurer. Les barres rocheuses, versant sud, abritent une importante zone d’hivernage du bouquetin des Alpes, espèce dont le Parc national est le berceau en France. Aujourd'hui, j'ai la chance d’assister à un spectacle unique, de vivre un moment presque irréel, que je ne peux partager que par la photographie. Le temps est comme suspendu et les saisons semblent s’être donné rendez-vous : la neige de l’hiver, les lumières de l’automne, le vert phosphorescent du printemps… et pourtant, dès les nuages dissipés, c’est l’été qui pointera le bout de son nez.
La lumière froide du matin éclaire au loin les grandes pentes du Piton de la Fournaise, l’un des volcans les plus actifs de la planète. En 1998, il connaît une éruption exceptionnelle par sa durée (196 jours sans interruption). Lors d’une coulée hors enclos, un flot de lave dévale le rempart de Bois-Blanc, effaçant toute trace de vie sur son passage. Mais peu à peu, la vie reprend ses droits.
Les quelques îlots de végétation épargnés par le feu (ou kipukas) permettent une recolonisation rapide de la lave par les végétaux et les invertébrés. Cette photo a été prise dans le cadre d’une expédition en terra incognita, afin d’effectuer des relevés botaniques et faunistiques. La veille, en fin d’après-midi, nous avions installé notre bivouac sans voir grand chose autour de nous à cause du brouillard. C’est à notre réveil, au petit matin, que j’ai découvert ce paysage de début du monde.
Le petit archipel des Saintes, au large des côtes sud de la Guadeloupe, est un site très touristique, facilement accessible par les navettes quotidiennes assurant la liaison avec Trois-Rivières et également fréquenté par d'énormes bateaux de croisière. Mais dès que l'on quitte Terre-de-Haut, le village principal, et que l'on marche un peu, la tranquillité des lieux permet de profiter pleinement du spectacle de la nature qui nous est offert, a fortiori si on est matinal. Cette image fut prise au lever du jour du haut du Chameau, le point culminant de l'île avec ses modestes 309 mètres.
27 juin 2008, 2900 m. Deuxième jour du comptage des bouquetins en Vanoise. Aujourd'hui à Bonneval-sur-Arc. Il a neigé cette nuit, quelques flocons tombent encore et le ciel est bas au refuge du Carro. Les conditions ne sont pas idéales pour le comptage. Avec Pierre, nous commençons quand même notre parcours vers six heures, comme prévu. Une impression de solitude et de fin du monde, des bruits étouffés. Quelques arrêts pour chercher les animaux aux jumelles, nous poursuivons l'itinéraire.
Les nuages se déchirent par intermittence, un rayon de maigre soleil apparaît sous le col des Reys et transforme un instant le paysage. Clic. Nous avons la chance d'être dans ces lieux “sauvages” à des moments où beaucoup sont encore ou déjà dans la vallée ; orages et tempêtes, aubes et crépuscules : des instants souvent récompensés par des lumières et des ambiances extraordinaires. Au cours des neuf jours de comptage, 2121 bouquetins seront dénombrés cette année-là en Vanoise. Nous aurons tout de même vu trois jeunes et deux étagnes aujourd'hui.
Parmi les magnifiques paysages du Parc national des Calanques, il y en a des plus complexes que d'autres…
Patchwork de couleurs et de vie, le coralligène a façonné le paysage sous-marin des substrats rocheux. Fixées ou mobiles, érigées ou encroûtantes, les espèces ont usé de stratégies diverses et variées pour co-construire, poser les fondations de géants de calcaire, et couvrir les moindres reliefs et anfractuosités.
En parfaite bioconstruction, le coralligène est le fruit de centaines d'années de développement. Et comme le temps ici est de rigueur, il ne faut pas hésiter à le prendre pour parfaire son observation d'une vie en communauté parfois très organisée… et apprendre à écouter la symphonie des espèces !
Filant à vive allure sur les eaux tumultueuses de l’Oyapock, cette pirogue rallie Saint Georges au nord-est de la Guyane. Elle laisse derrière elle Camopi, commune du sud du département, située dans le Parc amazonien de Guyane à une centaine de kilomètres en amont. Hormis l’hélicoptère, le transport fluvial est le seul moyen de se rendre dans cette partie du Parc national.
Les piroguiers amérindiens sont passés maîtres dans l’art du canotage et comptent parmi les meilleurs au monde. Ils connaissent le fleuve, ses méandres, ses îlots et ses passes comme leur poche. Une gageure lorsque l’on connaît la dangerosité des rapides et la complexité de la navigation au milieu des affleurements rocheux. Ces difficultés d’accès ont jusqu’à ce jour contribué à préserver cette partie de la Guyane du tourisme de masse et de l’urbanisation anarchique. Cette protection naturelle fait du coeur du Parc amazonien de Guyane un îlot de forêt amazonienne de 2 millions d’hectares en bon état de conservation.
Le refuge de Plan du Lac n’est plus très loin. En ce calme matin, pas un souffle d’air pour venir troubler l’onde paisible. Le versant Sud de la Grande Casse vient offrir au lac ses rides fatiguées, tandis que dans le lointain le dôme enneigé de la GrandeMotte se cache derrière les Pointes de Pierre Brune. Quelques voiles de nuages s’attardent sur l’eau et se mirent dans le ciel, à moins que ce ne soit l’inverse ?
Une ligne de force naturelle suit la rive, comme un trait d’équilibre parfait entre l’image et son reflet. Parées des ors de l’automne, les dunes végétales de la prairie alpine convergent vers le coeur plus sombre et
incertain d’une zone d’ombre. Le cadrage s’impose à moi comme une évidence. Ne reste plus qu’à choisir un temps de pause assez long pour capter la sérénité des lointains et sculpter les détails. Longtemps, ce jour-là, le lac gardera la mémoire du paysage alors que les traces furtives de mon passage se seront déjà effacées.
L'automne se présente souvent comme un long été indien dans le Mercantour. Les premières neiges peuvent alors nous surprendre, nous rappelant qu'à quelques kilomètres à peine de la Méditerranée nous sommes en haute montagne...
Le Mont Mounier, sommet emblématique des hautes vallées du Var et du Cians (ici en fond de paysage) culmine à 2817 m. Cette montagne aride, ancien haut-lieu de l'astronomie, (un observatoire y existait entre 1893 et 1927), apparaît ici dans un jeu de contrastes avec la forêt environnante où la neige fraîche et le ciel laiteux se combinent dans un dégradé monochrome des plus subtils.
Un peu avant sept heures, le soleil se lève sur une mer de nuages. La nuit a été fraîche à la belle étoile, mais je savoure pleinement le privilège d’être là, si tôt, au-dessus de la grisaille. En altitude les rhododendrons sont encore en fleurs et apportent une touche de couleur temporaire au paysage de pelouse et de roche. Plus bas dans la vallée c'est vraiment l'été et les fleurs sont déjà fanées. Ici, en altitude, les saisons sont plus courtes... sauf l'hiver !
Parti du col de Sormiou, je marche difficilement, évitant le pierrier, glissant régulièrement sur les blocs polis par le passage répété des randonneurs.
Quelques passages escarpés retardent ma progression. La lumière rasante du soleil m’éblouit à chaque lever de tête. Le sommet approche, j’ai rendez-vous sur le plateau de l’Homme mort. Ici, l’astre lumineux s’amuse du minéral et du végétal par un jeu d’ombres et de lumière laissant découvrir, incandescentes, les îles de Riou et de Plane.
Bientôt une heure que je marche. La lune associée aux étoiles guide mes pas. Je progresse sereinement vers les derniers pins qui surplombent la Calanque d’En Vau. Je regarde la montre, 7 heures, je pose le sac, installe la chambre. La lumière du jour pointe à l’horizon. Je suis en équilibre sur le plateau de Cadeiron, dans le lointain se dessine l’île de Riou au travers de la brèche de Castelviel. J’attends l’arrivée du soleil. Aujourd’hui, pas de brume. Soudain, celui-ci enflamme les parois calcaires en ce mois de décembre.
Sur la côte, un gros rocher solitaire est léché par le ressac. Une mer d’huile s’étend à l’infini, d’où émerge l’îlot du pic du midi d'Arrens.
Pourtant, aucun goéland ni cormoran ne survole ce rivage mais c'est un aigle royal qui animera tout à l'heure ce paysage “marin”.