Lophocladia lallemandii, une algue rouge invasive
La mer Méditerranée est la zone du monde qui héberge le plus grand nombre d’espèces introduites. Le canal de Suez permet l’entrée d’espèces provenant de la mer Rouge et de l’océan Indien. Le trafic maritime et la culture de coquillages constituent aussi des vecteurs importants d’introduction de nouvelles espèces.
Lophocladia lallemandii, algue rouge filamenteuse originaire de la mer Rouge et de l’océan Indien, est invasive en Méditerranée depuis près de 100 ans. Jusqu’alors confinée dans les eaux relativement chaudes du Sud et de l’Est de la Méditerranée, et après des observations en 2020 et 2021 en Corse, elle a été repérée pour la première fois dans l’archipel de Port-Cros le 15 décembre 2021.
Le réchauffement actuel des eaux méditerranéennes a sans doute favorisé la progression vers le Nord de cette espèce habituellement rencontrée dans les eaux chaudes.
Une menace pour l’équilibre des écosystèmes locaux
L’algue rouge a été identifiée par les agents du Parc national de Port-Cros et les scientifiques de l’Institut méditerranéen d’Océanologie lors d’une plongée de suivi l’évolution des populations de grande nacre, victimes d’un parasite mortel qui a décimé un grand nombre d’individus ces dernières années.
Les équipes ont eu la mauvaise surprise de découvrir plusieurs tapis de Lophocladia lallemandii, entre 3 et 8 m de profondeur !
« Malheureusement, on peut s’attendre à en découvrir de plus en plus », estime Sandrine Ruitton, enseignant-chercheur en biologie marine à l'Institut méditerranéen d'Océanologie, Aix-Marseille Université.
Capable de coloniser la plupart des types de substrat, c’est une espèce dite « exotique envahissante », susceptible de perturber le fonctionnement des écosystèmes locaux :
- elle produit des molécules toxiques qui la préservent de la prédation des autres espèces ;
- son développement en tapis peut devenir si dense qu’elle pourrait entrainer d’importants dégâts notamment sur les herbiers de Posidonie.
Ces observations devront être confirmées par de nouvelles études afin de mieux cerner l’ampleur de son implantation et d’appréhender les conséquences pour l’écosystème.
Le Parc national de Port-Cros, territoire de recherche scientifique
Cette découverte met en lumière l’importance de la collaboration entre les scientifiques et le Parc national. Cette espèce peut aisément se confondre avec d’autres algues rouges. La présence de scientifiques lors de cette plongée a permis son identification formelle.
Le Parc national favorise de manière durable les collaborations scientifiques sur son territoire par :
- un appel à propositions de partenariats scientifiques annuel qui permet de financer entre 10 et 20 études et recherches chaque année sur les thématiques diverses et complémentaires ;
- l’accueil d’une vingtaine d'équipes de chercheurs sur le territoire du Parc national pour mener des programmes de recherche.
Les espèces exotiques envahissantes
Une espèce exotique envahissante est une espèce exotique dont l’introduction par l’homme, volontaire ou fortuite, sur un territoire menace les écosystèmes, les habitats naturels ou les espèces indigènes avec des conséquences écologiques, économiques et sanitaires négatives.
Le danger de ces espèces est qu’elles accaparent une part trop importante des ressources dont les espèces indigènes ont besoin pour survivre, ou qu’elles se nourrissent directement des espèces indigènes. Les espèces exotiques envahissantes sont aujourd’hui considérées comme l’une des principales menaces pour la biodiversité.
Quelques exemples en France :
- dans l’Hexagone : le ragondin – Myocastor coypus, et le frelon asiatique à pattes jaunes – Vespa velutina ;
- en Outre-mer : l’iguane vert – Iguana iguana.