Des rencontres transfrontalières
Ce colloque était organisé par le Parc national des Écrins, l'Université Grenoble-Alpes, la FFCAM et le Syndicat national des gardiens de refuges, en association avec le Commissariat de massif des Alpes, le Département des Hautes-Alpes, et les Régions Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d'Azur, et le soutien financier de l'Union européenne ALCOTRA - BiodivTourAlps.
Les Parcs nationaux de montagne (Ecrins, Vanoise, Pyrénées, Mercantour) étaient présents aux côtés d'autres acteurs publics, associatifs ou privés, des massifs français, italiens et suisses. Pendant trois jours, ils étaient près de 300 personnes à participer à des présentations, tables-rondes et discussions afin d’analyser les défis à venir et de proposer des actions pour y faire face.
Un sommet, une vallée, un refuge.
Arnaud Murgia, président du Parc national des Ecrins et maire de Briançon, a ouvert les débats aux côtés de Dalila Zane (sous-préfète de Briançon), Agnès Rossi (conseillère régionale Provence-Alpes-Côte d'Azur), Piermario Giordano (président des Aree protette Alpi Marittime), Patrick Ricou (conseiller départemental Hautes-Alpes), Baptiste Ginollin (représentant SNGRGE), et Nicolas Raynaud (président de la FFCAM).
Lors de cette première plénière, plusieurs représentants ont souligné l'héritage que représentent les refuges. "Nous sommes fiers de la montagne française", Arnaud Murgia a salué le réseau de refuges français selon le triptyque : "Un sommet, une vallée, un refuge". Ils ont aussi précisé l'utilité et l'identité forte des refuges de montagne. Symboles de liberté, de solidarité et d'effort, ils sont des lieux collectifs, de vie, et de survie.
Pour les Parcs nationaux, ils font partie du patrimoine à protéger et sont aussi des lieux d'observation de la nature, de pédagogie... et de sobriété ! Dans la continuité du One Planet Polar Summit, les Parcs nationaux suivent de près les impacts du changement climatique dans les zones périglaciaires et les évolutions touristiques que cela impliquent. Le sujet de l'adaptation, et de l'accompagnement des territoires de montagne, sont centraux, et c'est pourquoi les Parcs nationaux portent ces questions en lien avec l'ensemble des acteurs.
Quel avenir pour les refuges ?
Par définition, un refuge est situé en site isolé, dans un milieu sensible et soumis à de très fortes contraintes. Ces dernières sont d'autant plus fortes pour les refuges situés en haute-montagne, moins accessibles et plus directement impactés par l'évolution des zones périglaciaires. S'ils sont indispensables aux alpinistes, randonneurs et familles dans leur course, itinérance ou découverte de la nature, ils sont aujourd'hui confrontés à de nouveaux enjeux et beaucoup d'incertitudes.
Le changement climatique présente tout d'abord un risque accru pour les bâtiments et la disponibilité en eau. La problématique de l'accès aux refuges est aussi en jeu et liée à la gestion des sentiers. Ces derniers mois, les évènements météo ont causé de fortes dégradations de sentiers dans les Parcs nationaux du Mercantour et des Ecrins. La transition climatique modifie également les activités de haute-montagne et c'est tout le modèle touristique des vallées jusqu'aux réservations des nuitées en refuge qui est bousculé. La Compagnie des Guides Oisans-Ecrins, a par exemple témoigné de l'évolution des saisonnalités dans la pratique de l'alpinisme.
La montagne pose des limites.
Roberto Colombero, Président de l'Unione Nazionale Comuni Comunità Enti Montani
Les gardiennes et gardiens de refuges sont en première ligne face à ces bouleversements. Tout au long de ces trois jours, ils ont pu faire part de leur expérience. Christophe Lelièvre, gardien du refuge du Couvercle dans le massif du Mont Blanc, a par exemple partagé ses difficultés. Les voies d'accès au refuge changent, les moraines se raidissent, les échelles se multiplient et l'accès devient possible aux seuls alpinistes. De plus, le renouvellement des publics, parfois peu connaisseurs des bonnes pratiques en montagne mais avides de découverte, pose des enjeux de cohabitation. Là aussi, le rôle du gardien est bousculé et son rôle d'information voire de pédagogie est parfois lourd à porter face aux tâches quotidiennes et aux aléas en hausse.
Dans ce contexte, quelles transformations envisager pour s’adapter aux nouvelles exigences environnementales et sociétales ? Comment concilier protection et développement économique ? Les participants ont donc consacré ces trois jours à des tables rondes et des ateliers pour analyser les défis à venir et les solutions. Des thèmes aussi divers que la gestion environnementale (assainissement, adduction, gestion des déchets, approvisionnement... ), la sobriété, les normes d'aménagement en site isolé, l'architecture des refuges de demain, les innovations techniques, la formation des gardien.nes, l'offre d'activités en refuge, le gardiennage, le rôle pédagogique du refuge, la cohabitaton des publics et des usages, l'accessibilité, l'inclusion, les repas végétariens ou encore l’impact de la mobilité pour accéder aux sites ont été abordés. Le Parc national des Ecrins envisage une restitution sous forme de livre blanc pour capitaliser sur les échanges.
Mise à jour du 14/06/2024 : les actes complets des rencontres sont disponibles ici.
Programme européen Alcotra "BiodivTourAlps"
Depuis octobre 2023, les parcs alpins français sont engagés aux côtés de quatre espaces protégés alpins (Aree Protette Alpi Marittime, Aree Protette Alpi Cozie, Parco nazionale del Gran Paradiso, Parco Alpi Liguri) dans un partenariat ambitieux. Le but ? Mieux connaître et gérer les flux de visiteurs et les interactions humains-nature et promouvoir le tourisme durable. Ce projet européen devrait permettre de mettre en place des actions concrètes à travers l’arc alpin, comme des études de cas sur les interactions entre les activités outdoor et les milieux naturels, des tests de régulation de la fréquentation des actions de sensibilisation sur certains sites sensibles ou encore des formations pour les acteurs du tourisme. Une attention toute particulière est également portée aux refuges de montagne afin de les inciter à s’engager dans la transition écologique.
Comment sensibiliser les visiteurs à l'esprit refuge ?
Devenue terrain de découverte, de loisir et de sport, la montagne n’est pas seulement l’affaire de spécialiste. Au refuge, différents publics se côtoient, des alpinistes aux familles à la journée, et doivent cohabiter. Les refuges en montagne offrent confort et sécurité mais il faut parfois rappeler qu'ils ne sont pas des hôtels d'altitude ! Les ressources en énergie et en eau sont limitées et donc leur consommation. Même rénovés, ils demeurent des hébergements rustiques en site isolé. Le refuge est aussi une école de la sobriété et de la vie en collectivité. Tout comme les règles pour protéger la faune et la flore, les Parcs nationaux s'attachent à transmettre les bonnes pratiques afin que les refuges restent des lieux conviviaux, d'accueil, d'échanges et de repos collectif.
En 2022, les Parcs nationaux de montagne et la FFCAM ont par exemple lancé une campagne de communication au ton décalé. Un message unique : pour profiter au mieux de sa sortie en montagne et de sa nuit en refuge, mieux vaut avoir les bons gestes ! Voir la vidéo ici.