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L'exposition "la vie sauvage au quotidien" présente une trentaine d'images réalisées dans les dix parcs nationaux de France. Observateurs des grands espaces de nature préservée, les gardes-moniteurs des parcs nationaux témoignent de leurs vécus du territoire au quotidien à travers leurs prises de vues d'espèces dans leur milieu naturel.

Cette exposition a été coordonnée et mise en œuvre par le Parc national des Écrins et Parcs nationaux de France. Elle a été présentée pour la premiere fois au 15ème festival international de la photographie animalière et de nature de Montier-en-Der.

Cette photo – ou ce genre de photos – ne peut être réalisée que lors des grosses chutes de neige et dans les zones d'hivernage d'animaux que l'on connaît très bien. Il n'est pas question, si le relief du terrain ne s'y prête pas, d'approcher et de faire fuir les animaux de leur niche et, pour notre sécurité, notre déplacement reste limité en raison des risques d'avalanche. Mais déjà, l'observation à distance des animaux dans ces conditions hivernales est un grand moment d'émotion. Ce matin, 1er janvier 1994, j'ai eu beaucoup de chance. Il y a déjà bien 40 à 50 centimètres de neige et celle-ci continue à tomber. Ce n'est pas vraiment la tempête, c'est une neige légère et très froide dans laquelle il est agréable de marcher. Je trouve facilement ce bouquetin à l'abri d'un rocher. Le relief du terrain est favorable pour que je puisse approcher cet animal à une vingtaine de mètres et faire des photos sans l'effaroucher.

La chevêchette, je l'avais contactée au chant à plusieurs reprises lors d'inventaires ornithologiques dans les Hautes-Alpes et l'Ubaye mais j'ai mis près de 20 ans à l'observer. Manque de persévérance ...sans doute étais-je aussi plus occupé à courir les montagnes qu'à m'y poser. Depuis 2008, changement de stratégie : je multiplie les sorties crépusculaires et nocturnes en quête de chauves-souris forestières et c'est parfois la chevêchette qui est au rendez-vous … mais le plus souvent invisible. Finalement les plus belles rencontres je les ferai de manière fortuite, souvent de jour, de retour d'une randonnée à ski, d'un parcours “traces” ou d'une tournée de fin d'estive, voire même à vélo. Allez comprendre!

Ce matin la route est blanche de la neige tombée dans la nuit. Au détour d’un virage, un renard grimpe le talus sans précipitation. Arrêter la voiture, attraper au vol l’appareil photo, me voilà sur sa trace. Il est là, à l’arrêt, oreilles en avant, attentif à ce qui se passe sous la neige. Il ne m’a pas vue ! Son arrière-train remue, il va sauter, attente. Enfin, d’une soudaine détente il prend son envol, semble planer et retombe le nez dans la poudreuse. Le crépitement de la rafale photo et le petit rire qui m’échappe trahissent ma présence. Il me fixe, le museau poudré et s’éloigne, s’arrête, me regarde à plusieurs reprises avant de disparaître pour de bon, me laissant à mon petit bonheur.

Dans la vallée de Freissinières un film avait pour titre « les rumeurs de la Biaysse », c’est dire la présence constante de ce torrent de montagne qui anime toute la vallée de sa conversation changeante. Le tumulte des eaux a failli effacer le vol rectiligne du Cincle plongeur juste au-dessus des eaux et son plongeon horizontal dans le drapé de la cascade.
Un peu plus tard il en ressort en une trajectoire inverse toute aussi directe puis y rentre à nouveau comme écartant le rideau des embruns. Il a construit son nid derrière la cascade, on est en mai. Soit le cincle nourrit sa première couvée soit il cherche à se faire remarquer. S’il ne parade pas comme le font bruyamment bien d’autres, il laisse échapper quelques acrobaties enthousiastes comme un trop plein d’énergie qu’accompagne le trop plein bruyant des eaux.

Jean-Philippe vient de prendre son poste de garde-moniteur au parc national des Ecrins, dans la vallée du Valgaudemar. Ici les pans de montagne des deux versants de la vallée sont si abrupts qu’ils semblent veiller villages et rivière tout en bas. Parti tôt dans le brouillard lourdement installé il a cheminé un peu à l’espère dans ces « terrains à chamois » rudes et raides… Et puis ça s’est levé le temps de cette apparition de l’aigle royal en quête d’ascendances dans ce versant sud qui se réchauffe rapidement. En quelques cercles magiques l’oiseau-roi reprend de la hauteur et gagne d’un trait le versant d’en face. Une aire y est régulièrement suivie…

Lorsque les graminées envahissent les champs en friche, le bonheur est dans le pré ! Les touis été, les plus petits perroquets de Guyane, font razzia des moindres graines, fleurs et bourgeons. Ils annoncent leur arrivée en groupe par de bruyantes vocalises, puis les couples se rassemblent sur les brins. On les dit « inséparables ». En tout cas, ces deux-là partageaient tout ce qu’il y avait à manger, en échangeant de langoureux baisers. C’est là tout le privilège du photographe que de partager ces beaux moments offerts par la nature et de figer ces scènes de vie, caché dans les hautes herbes.

Lorsque je pars faire de la photographie dans la nature, je ne sais pas toujours ce que je vais rapporter. Parfois rien du tout, faute de lumière convenable ou même d’inspiration. Tandis que d’autres jours la moisson se révèle riche et diverse, tant les conditions et l’humeur sont au rendez-vous. Il faut compter aussi avec la disposition de nos sujets animaliers : ce ne sont pas des comédiens et nous faisons irruption dans leur “vie privée”. Nous devons rester de discrets passants et, pour ma part, je serai d’autant plus satisfait de ne pas les avoir dérangés tout en ayant pu faire d’eux des portraits à l’air le plus “naturel” possible. Comme avec cette toute jeune marmotte, dont c’était l’une des premières sorties hors du terrier, nullement effarouchée par mon attirail et moi, installés à une dizaine de mètres de là.

Février est la période idéale pour observer la dame de l’onde sur le Tarn. Voilà plus de cinq heures que j’attends la venue de la loutre, recroquevillé au pied du vieil aulne. La lumière baisse et la température aussi. Frigorifié, je pense abandonner pour aujourd’hui mais soudain elle apparait sur la rive opposée. Trente secondes de bonheur. Je la reverrai souvent par la suite, baignée de lumière.

Massif du Balaïtous, altitude 2 500 mètres. Un vent froid balaie la haute montagne, chassant la petite neige tombée ce matin et découvrant l'ancienne couche neigeuse, tassée et durcie par les gels répétés. Les crêtes « fument », la poudreuse se repose dans quelques dépressions protégées. Neige, rochers et vent glacial. Quelques herbes jaunies restent visibles aux endroits trop soufflés. Déjà 5h00 que je marche lentement, attentif, dans cet univers austère. Seul signe de vie : les chocards qui, tout à l'heure, jouaient avec le vent au-dessus des crêtes. Au sol tout semble figé par le froid, mais la neige soufflée passe en vagues discontinues apportant un peu de mouvement dans le décor. Il paraît impensable qu'un oiseau vive là, maintenant. Et pourtant... Alors que je m'apprête à renoncer, un cri peu harmonieux retentit à 200 mètres : « Crooooooarrrr »... Ils sont là ! Malgré la neige, le froid, le vent, les lagopèdes vaquent à leurs occupations d'oiseaux, tout simplement. Après 20mn de recherche minutieuse sur ce versant pentu, crampons, piolet, je finis par les trouver. Blancs sur blanc dans la soufflerie, je les perds au moindre relâchement d'attention. Sortir le matériel du sac, prendre le temps de se faire accepter, surtout ne pas se précipiter. Et, 2h00 plus tard, être à 10 mètres d'un oiseau libre et sauvage.

En mer, lorsque l’on scrute l’horizon, rien ne ressemble plus à un aileron qu’une crête de vagues. A force de les chercher, on finit par les voir derrière chaque onde. Ils apparaissent soudain comme une vague qui prend vie, devient chair et peau lisse, apparition fascinante. Ces grands dauphins (Tursiops truncatus) évoluaient en groupe dense, mères et petits de concert, le long des côtes de Corse. Parfois très démonstratifs, leurs ébats sauvages, dans leur milieu, rendent ternes les spectacles les plus rodés des « marinelands ». Mais ils sont le plus souvent discrets, cherchant à éviter les navires de plaisance lorsqu’ils deviennent nombreux le long des côtes.

Les loutres géantes… Le photographe a passé beaucoup de temps à leur recherche, dans le cadre des programmes d’études menés par l’association Kwata. Il leur a même consacré un ouvrage. Mais, la belle ne se livre pas si facilement. Sur les centaines de kilomètres de rivières prospectés, jusque dans le sud inextricable de la Guyane, dans le coeur du Parc national, les rencontres avec des groupes de loutres géantes ont finalement un goût de trop peu. Un croisement de regards, souvent furtif d’ailleurs, constitue la majorité des observations. Mais ce jour-là, sur ce fleuve guyanais, la chance a souri à l’équipage. Un couple de loutres géantes a tourné de longues minutes autour de l’embarcation permettant au photographe d’immortaliser l’instant, figé dans la lumière du soleil.

La paresse serait-elle une vertu ? En tout cas, les paresseux sont partisans du moindre effort, c’est une certitude. Métabolisme lent oblige. Mais voilà, de temps en temps, l’animal sort de sa léthargie et descend lentement de son arbre, pour assouvir des besoins tous naturels. Pour se faire, ce xénarthre des forêts guyanaises a besoin d’eau. C’est dans ce contexte intime que cette photo a été prise, en plein milieu d’un fleuve. L’histoire ne dit pas comment il a atterri là, mais le paresseux est un bon nageur, il aura sans doute réussi à regagner la berge sans trop de peine !

Cinq heures du matin, début mai, dans la vallée de Freissinières, dans les Ecrins… une perdrix bartavelle mâle, en pleine parade nuptiale, chante, salue le jour et peut-être ses voisines proches. On est juste au-dessus du hameau de Dormillouse célèbre haut lieu de la vie montagnarde d’altitude, tout près de la cabane de Majas lui aussi site de référence mais cette fois pour le suivi des populations de bartavelles. Tous les résultats sont regroupés par un Observatoire des Galliformes de Montagne. Mais pour l’heure c’est l’émotion qui prime, c’est l’attention extrême, l’écoute et l’observation à leur comble avec le jour qui monte neuf comme un printemps.

Le mouflon anime les versants escarpés du sud du Massif central. Sa morphologie et son comportement grégaire ne sont pas sans rappeler le mouton. Pas étonnant puisqu'il en est l’ancêtre ! Aujourd’hui, la file est menée par de jeunes mâles qui arboreront, une fois adultes, d'imposantes cornes enroulantes. Mais ne nous y trompons pas, il s’agit bien là d’un groupe matriarcal constitué de femelles, cornues ou non, de leurs agnelles et des jeunes de l’année précédente.

Cette image fut prise vers la pointe sud de la basse-terre, peu avant le coucher du soleil. Aux dernières heures du jour, les iguanes ont ici l'habitude de quitter la végétation sèche pour venir se prélasser sur les pierres chaudes de la falaise, sur de petites terrasses inaccessibles. Malgré leur taille respectable (jusqu'à 2 mètres de longueur pour un poids de 10 kg), ces reptiles sont de véritables équilibristes, semblant parfois défier les lois de la pesanteur. Mais il arrive aussi que leur talent de grimpeur les quitte l'espace d'une seconde : on peut alors assister à un vol d'iguane de plusieurs mètres très impressionnant...!

Observer un chamois dans la neige provoque toujours un sentiment d’admiration. Avec quelle silencieuse élégance ils affrontent les difficultés hivernales ! Leur pelage est alors épais et sombre pour absorber les rayons de lumière. Les poils de crin et de jarres forment une toison imperméable qui emprisonne des particules d'air isolantes. Ce chamois en lente progression dans une combe de neige profonde, fournit des efforts intenses dans le calme immobile d’un décor majestueux. C’est grâce à une morphologie particulière des pattes que la pente sera franchie. Elles présentent deux onglons nettement séparés avec une membrane interdigitale qui fait office de raquette ce qui facilite les déplacements de notre surprenant voyageur des neiges.

La nuit a été douce à la belle étoile, à 2500 mètres d'altitude. Engoncé dans mon duvet, j'ai entendu le lagopède chanter hier soir et ce matin à la pointe du jour. Le voir est une autre histoire, tellement l'oiseau se camoufle à merveille dans cet environnement minéral. Le soleil se lève à peine, et éclaire d'une douce lumière rosée l'amphithéâtre rocheux des piques de l'Arriougrand. Le cirque granitique est piqueté de maigres pelouses, de grands névés persistent en versant nord. Le tableau est agréable à l'oeil. Dans un coin, au loin, un isard me regarde, apportant l'accroche qui manquait à la photo.

Mi-octobre dans les gorges de la Jonte. Le tichodrome échelette doit être arrivé. Petite montée dans les anciennes terrasses.Un chevreuil mécontent me fait savoir que je l’ai dérangé. Escalade sans danger sous les vautours fauves dans une grotte qui traverse la falaise et permet d’arriver à l’aplomb des gorges. Là, un véritable mur de calcaire me ait face. Sera-t-il là ? Une demi-heure d’attente et un oiseau aux allures de gros insecte multicolore arrive, visite de nombreuses fissures et se rapproche doucement… Clic !

L’oiseau vert à lunettes (Zosterops olivacea) est un petit passereau forestier qu’on ne trouve qu’à la Réunion. Il apprécie particulièrement les fleurs de petits arbres de montagnes comme le petit tamarin des hauts (Sophora denudata) et le fleur jaune (Hypericum lanceolatum) dont il prélève le nectar grâce à son bec fin et recourbé. La photo a été prise vers 16h30, l’heure la plus propice pour l’observer lorqu’il se nourrit, avant le coucher du soleil, précoce sous nos latitudes. Il est difficile à prendre en photo car il est très vif, sautant de branche en branche pour plonger, souvent la tête en bas, dans les fleurs. Pour faire ce cliché, j’ai choisi de fixer dans mon viseur une fleur bien visible. Allongé sur un rocher, j’ai déclenché l’appareil à l’instant où il s’est posé sur la branche.

Le colibri huppé, appelé également fou-fou, est un minuscule oiseau (4 grammes) que l'on peut facilement observer sur l'archipel guadeloupéen, depuis le littoral jusqu'au sommet de la Soufrière. Celui-ci fut repéré en février dernier sur les pentes du volcan, un milieu très humide parfois soumis à des vents violents. Ce colibri était très occupé à construire son nid : un vrai travail d'orfèvre composé d'herbes et de mousses, camouflé dans les fougères calumet mais à l'emplacement peut-être mal choisi. Situé en effet en bordure du chemin des dames, un sentier très fréquenté par les randonneurs, le nid sera abandonné quelques jours plus tard...

Je me suis levé à 5h00, j'ai mal dormi. Non pas que ma tute (nom pyrénéen du gîte d'hibernation de l'ours) soit inconfortable, mais comme souvent, avant mes affûts, je suis fébrile. D'innombrables questions m'assaillent. J'ai choisi une météo couverte, me mettant ainsi à l'abri des lumières trop dures. Je m'installe à la nuit dans mon affût, le chant des grives et des rouges-queues me chaperonne. J'espère photographier l'aigle royal. Le « seigneur des montagnes » sera-t-il au rendez-vous ? Le jour pointe, accompagné des cris des corneilles, de bonne augure pour la suite ! Prudentes, elles se posent, inspectent autour de la victime, qu'un bref moment d'inattention aura rendu fatal. Puis, les corbeaux arrivent, avisés, volubiles, exubérants et redoutablement perspicaces. Je ne dois pas me précipiter, vu leur nombre de sept, la moindre erreur est à proscrire aujourd'hui ! Je dois comprendre leurs allées et venues avant d'espérer déclencher. Plusieurs fois, sans raison apparente, tout ce petit monde s'envole puis se repose après quelques minutes. L'aigle rôderait-il aux alentours ? C'est lors d'un de leur départ bruyant et précipité que je choisis d'orienter mon objectif vers ce perchoir.

C’est à l’occasion d’une plongée en « palme, masque et tuba » sur la région de la Basse-Terre que cette photo a été réalisée. Bercé par le mouvement des courants marins sur une gorgone aux tons bleus et violets, ce mollusque orange vif à l’air tranquille s’observe facilement grâce à sa couleur vive. Autrefois monnaie d’échange, d’où son nom français de "monnaie caraïbe", ce coquillage se rencontre sur les gorgones dont il se nourrit à partir de quelques mètres jusqu’à 20 mètres de profondeur.

Les ombres sont parfois fidèles à leur sujet, parfois flatteuses, parfois minimalistes. Celle-ci m’est apparue plutôt originale. Quelque peu déformée mais tellement bien dessinée… Lors du suivi des cormorans estivant sur l’archipel de Riou, j’aurais pu recenser le cormoran et son ombre, j’ai préféré simplement compter le premier et immortaliser la seconde…

Les iguanes verts sont d’inoffensifs lézards d’une taille imposante qui n’hésitent pas à traverser les jardins. Les jeunes, qui raffolent de fleurs d’hibiscus, peuvent passer plusieurs semaines dans un arbuste. M’as-tu vu ? Pas vu pas pris ! Cette séance photo ressemblait à une véritable partie de cache-cache. Immobilité parfaite, vert sur vert, ton sur ton. C’est fou comme ce jeune iguane excellait dans l’art de se soustraire à la vue du photographe. Jeu de patience. Le temps se fige et la respiration se fait plus lente. Puis, un rayon de soleil sur l’oeil du reptile. Démasqué, clic clac, pris ! C’est dans la boîte.

Difficile de le trouver, de l’observer… Pourtant en ce petit matin d’hiver tout en harmonie de gris et de bleu, dans un entrelacs de branchages fins et crayeux, le voilà posé au bout de mon objectif. Nimbé de lumière argentée, immobile et attentif, fuselé et élégant, le hibou moyen duc attend, sa présence s’impose comme une douce peinture, une belle réalité aux yeux d’or…

Je me rappelle du froid ! Un temps glaciaire... J’attendais impatiemment l’arrivée des chiens de traîneau de “La Grande Odyssée”, afin de réaliser un petit reportage photographique. Quand mes yeux, errant dans le vague, entrèrent en contact avec ce groupe de chocards. L’hiver, ils tournent en rond audessus du village pendant de longues périodes, avant de se poser pour se nourrir. Certains auront une pensée “hitchcockienne”, d’autres seront admiratifs pour ces oiseaux qui résistent vaille que vaille aux intempéries !

Parti bien avant le jour, à la frontale, j'ai rejoint en 2h00 de marche mon poste d'observation. De ce petit bouquet de pins à crochets, la vue est excellente sur les limites du parc national que les chasseurs d'isards ne doivent pas franchir. Mais Dieu que ces journées sont longues… Sous les pins centenaires des vieilles crottes de grand tétras attestent que l'oiseau se sert de ce lieu comme site d'hivernage. Il peut passer des semaines sur ces quelques arbres, vivant aux dépens de leurs aiguilles pourtant peu nourrissantes. Le brouillard est installé, la visibilité est nulle, la journée s'annonce déprimante. Des bruits dans les branches de pin, un mouvement furtif, et je ne suis plus seul : un écureuil vient me tenir compagnie. Un bel écureuil au pelage roux recherche des cônes de pin, à 2000 mètres d'altitude.

Il était là il y a quelques heures… la nuit tombe et je regarde sa signature puissante sur la neige de printemps. L'ours. Ce grand pourvoyeur d'émotions et de conflits. L'otage du jeu politique local…En cet instant, pour moi, il n'est que l'animal magnifique qui tente de survivre dans un monde hostile. Je me remémore mes trop rares rencontres avec l'ours et la nonchalance, l'élégance de ses mouvements, masquant une puissance hors du commun. Je me souviens l'avoir vu un soir sortir en lisière de forêt, dans une vallée sauvage, et il était là, comme une évidence, un hommage à la beauté des lieux et la traduction vivante de leur sauvagerie. C'était un moment de grâce.

La météo annonçait de la neige jusqu'en plaine. Un événement rare dans les Pyrénées. Un instant à saisir ! La neige fraîchement tombée est magique. Elle sublime tout ce qu'elle touche ! Le décor était splendide, ça nous en étions assurés. Tout comme nous tenions comme certitude de passer de longues heures à renifler, à emplir de buée nos viseurs, à sentir nos jambes engourdies, recroquevillés dans nos caches exiguës et inconfortables, à frissonner… bref, un pur moment de bonheur ! Pour lutter contre le froid mordant, nous avions prévu des bouteilles thermos. Mais fi de tout cet attirail moderne ! Une seule chose réchauffe par près de – 10° C ! Et tous ceux qui passent de longues heures derrière un objectif savent de quoi je parle ! Le cri plaintif de la buse, le sifflement chantant du milan royal, le croassement rauque du grand corbeau, ça, ça réchauffe ! Et lorsque votre invité daigne se poser avec délicatesse, sans l'ombre d'une inquiétude dans le regard, ne soupçonnant aucunement votre présence, il fait presque trop chaud sous le bonnet et les gants ! Tant que je pourrai voir et m'émerveiller de ces spectacles singuliers de la nature, je serai plus que vivant !

Marseille est une cité cosmopolite, culturellement riche, qui abrite également quelques fous…

Lorsque je pars sur ses îles, le tumulte de la ville est bien loin. Et pourtant, même là il est possible de croiser des fous…

Celui-ci semble vouloir se rallier aux autres, ceux qui ne savent pas voler, s’éloigner de leur mer pour flirter avec la Bonne Mère.

Si tous les fous avaient des ailes…

La nuit dans la vieille sapinière a été calme. La hulotte est venue me saluer mais n'est pas restée. A 4h30 du matin je suis debout et je rejoins sans lumière le petit affût installé la veille à 300 mètres de là. Tout est silencieux. Recroquevillé dans ma cachette j'attends. A 5h15 les premiers "telep….telep…" tombent des sapins. Les oiseaux sont invisibles dans les frondaisons des arbres. Pourtant l'un semble être tout proche. 15mn plus tard un coq descend au sol dans un grand fracas d'ailes, rapidement suivi par d'autres. Les oiseaux chantent leur chant complet maintenant. A l'oreille, j'en compte trois, soit un de moins que l'an dernier. Ce constat m'attriste. La population diminue régulièrement ; les oiseaux sont toujours chassés dans les Pyrénées. Le jour se lève à son rythme et les strophes et sauts battus se succèdent. Le spectacle est toujours exclusivement pour les oreilles. Une poule a caqueté dans mon dos. Un mâle semble parader derrière la crête à 20 mètres devant moi, invisible. J'avais repéré ses crottes la veille. Quand le soleil sera au-dessus de l'horizon, je ais qu'un beau contre jour s'installera pour 1h00. Il "suffira" que ce coq monte enfin sur la crête, et l'image pourrait être belle. Mais cela fait déjà trois matinées que j'espère en vain ce oment. L'an dernier déjà… 7h45, l'éventail noir piqueté de blanc de la queue apparaît d'abord, le sourcil écarlate, la gorge moirée…il est là. Tout à sa parade, il arpente à petits pas cadencés la crête. Les usnées lui font un écrin. Il défile devant mon affût quelques instants, avant de basculer à nouveau hors de vue. 5mn de bonheur.

Tournée à skis dans le glacier noir. Deux lièvres variables filent et se séparent. Je me prends à suivre la trace de l’un, celle qui se perd vers l’attaque du pilier sud des Ecrins. Et soudain dans mes jumelles je le vois, immobile dans son gîte de pierre. La lumière est encore trop faible pour faire une bonne image. Immobile sur la neige je me pose plus que je ne m’installe. J’attends…Tout se passe comme si je n’existais pas. Monsieur baille, s’étire, se gratte, va faire un tour, revient, passe tout près de moi et se gîte à nouveau. Je fais beaucoup d’images. Dans l’enthousiasme de ce tête à tête silencieux, improvisé, pétrifié, je me suis gelé la cuisse. Pendant un long mois les lancinants picotements dans la jambe repassent le film de ce vagabondage de printemps aux portes du glacier noir.

A les observer à terre lorsqu’ils regagnent leur terrier, on serait loin de se douter qu’ils sont aussi agiles en mer…

Et pourtant, quel plaisir de les voir évoluer au ras de l’eau, jouant avec les courants, les vagues, saluant de temps à autre leur reflet du bout de l’aile…

Voilà le spectacle qu’ils m’offrent à chaque fois que je peux aller les observer, m’immisçant discrètement dans leur monde, au large des îles de Marseille…


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